En 2020, Fannie Escoulen, conseillère artistique de cette édition, a proposé 12 photographes aux membres du Comité exécutif qui ont choisi les deux lauréates : Louise Honée & Charlotte Mano.
LOUIS HONÉE
« We Love Where We Live »
Dans cette série « We Love Where We Live » (Nous aimons où nous vivons), je capture les regards mûrs des enfants et des jeunes adultes. Leur identité est étroitement liée à la région où ils grandissent : le comté de McDowell en Virginie Occidentale, en partie situé dans les montagnes boisées des Appalaches, autrefois l’une des régions les plus riches des États-Unis en raison de l’exploitation du charbon. La situation économique de ses habitants était convenable jusqu’à ce que l’une après l’autre, les mines ferment et les emplois disparaissent. Beaucoup ont donc perdu leur emploi et sont partis, laissant derrière eux des villes fantômes.
Je me suis demandé quelles perspectives d’avenir sont encore offertes à ces jeunes qui vivent souvent avec leurs grands-parents ou d’autres membres de leur famille, plutôt qu’avec leurs parents biologiques. Quelque part sur la route se trouve un panneau portant l’inscription : « We Love Where We Live ». Je reste fascinée par cette contradiction apparente : les problèmes évidents de la région et l’intense solidarité des gens. Dans cette œuvre, je tente d’illustrer leur vulnérabilité et leur détermination et, d’une manière cinématographique, je saisis la beauté cachée dans la pauvreté et l’insécurité. « We Love Where We Live » traite de la construction de soi-même et de son identité propre. Je pose alors dans ces images un filtre doux, presque réconfortant, sur les aspérités tranchantes d’un sujet difficile.
Louise Honée
CHARLOTTE MANO
« Thank you mum »
« Thank you mum » est d’abord un travail de résistance qui se déploie au travers d’images, de vidéos et d’installations. Je photographie ma mère depuis qu’elle est atteinte d’une maladie incurable (un an et demi). Que faire lorsque l’on se retrouve face à un destin que l’on sait déjà sombre ? Lorsque le compte à rebours a commencé, que me reste-t-il avec celle qui compte le plus pour moi ?
Isolée avec ma mère dans la campagne française, j’ai d’abord tenté d’exprimer une relation mère-fille, une expression qui s’est transformée au fil des jours en un hommage pudique et poétique à ma propre mère. Ce travail difficile, mais salvateur, évolue et s’emplit chaque jour d’expériences du quotidien.
On ne peut nier une atmosphère étrange, presque ésotérique et de l’ordre du rituel, comme si je cherchais par tous les moyens à conjurer le mauvais sort, à utiliser tous les moyens de sauvegarde et d’enregistrement pour suspendre le temps et garder ma mère auprès de moi.
Alejandro Castellote emploie une phrase très juste lorsqu’on regarde l’ensemble de la série : « she asks for a miracle ».
C’est la chose la plus significative que j’ai pu réaliser en tant que photographe ; je sais déjà que les morceaux d’intimité que vous voyez ici formeront au fil des années l’édifice de ma vie.
Charlotte Mano